Rémi Groussin

Scènes Ratées
Il y a quelque chose de tremblant, quelque chose d’une tristesse passagère, quelques coups de pied dans le pare-choc du quotidien. Il se sert dans la bibliothèque poétique de sa vie matérielle pour recomposer la matière et réunir les éléments disparates de façon gluante. Il fait des copies en laissant quelques données de côté, volontairement, comme s’il appréhendait un futur proche, désenchanté, à partir des restes découpés du passé. Une mélancolie des objets, désincarnés de leur fonction première, fondus dans la masse, édités et recontextualisés au travers de prismes médiatiques poreux.
Une odeur de café froid.
Des formes géométriques et des aplats de couleur qui évoquent un formalisme abstrait, des sculptures plates qu’il emprunte aux accessoires d’un film. Tout est là, devant nous, mystérieusement empilé, sans que nous n’arrivions vraiment à saisir le sens de tout cela.
La source n’est plus qu’un souvenir lointain.Récupérations. Trébuchements alternés entre les imitations, les détournements et les remakes, il reformate les données pour l’écriture d’une mise en scène au présent. Pas de nostalgie passéiste, pas d’illusions du futur, car peut importe où il prend son inspiration il finit toujours pas investir l’espace d’ un jour sans fin. Vitres brisées, carcasses de voitures, morceaux d’enseignes lumineuses, écroulements.
L’accident précède la création. Il fait partie du processus. Ainsi peut-être que l’on échappe pas à l’érosion, à la brisure, à l’éclatement, à la fonte des glaciers, à l’empirisme de l’organique, aux réactions en chaîne, aux lendemains gris.
Les œuvres s’amoncellent sur la « timeline » d’un scénario qui s’arrête avec la fin du geste.
La caméra cachée propose de décadrer les scènes, parce que la véritable action se cache dans les coulisses.
On ne gardera que les scènes ratées.
Laurie Charles/2015